En arrivant à Dali, on rentre dans le cœur de la province du Yunnan et surtout juste en bas du plateau tibétain. La ville fait partie de ces anciens villages chinois devenues de vrais centres touristiques. Ça grouille dans tous les sens et on a du mal à se faire comprendre. Finalement on se retrouve dans une espèce de squat pour jeunes chinois sans argent à boire de la bière Dali et manger des trucs trop pimentés : « Ha ! China is spicy my friend » ; « Xièxiè et kampeï mon vieux ! ».
Le lendemain on se lance sur 700km à travers les montagnes du Yunnan et du Sichuan. On commence par une magnifique journée à poursuivre des chichis : des cyclistes chinoises en route pour Lijiang, prochaine étape pour nous également. Plus légers on y arrive avant et de nouveau c’est l’attraction touristique. Cette fois on trouve le temps de visiter la vieille ville. Magnifique ! S’imaginer l’animation des rues des siècles en arrière au fin fond de la Chine. Tout est petit : les ruelles, les commerces, les gens. Mais grande satisfaction de se dire qu’on à bien mérité un tel spectacle. Puis on repart après avoir fait nos réserves de bouffe minimum. Et c’est à nouveau la même chasse aux pâtes en sachet (même cru ça passe) et biscuits sec avec le meilleur rapport poids, prix, efficacité énergétique, solidité dans le sac.
Mais de toute façon ces trucs ne suffisent pas. C’est la saison des champignons alors pourquoi pas tester ? On n’y connaît rien mais les chinois sont visiblement des experts, alors pourquoi ne pas demander à une petite troupe de ramasseurs ? Finalement, ils nous proposent d’eux même ! Une flic chinoise, son mari ses enfants, ses parents, ses oncles et tantes, amis... bref la famille nous invite à dîner. Bienvenue sous les tentes des chinois qui font leur business au bord de la route. C’est simple, les mecs ramassent tous ce qu’ils trouvent et le vendent aux touristes venus de pékin. Pour nous c’est champignons et saké offerts ; « Kampei » !
Sans trop s’en rendre compte, les kilomètres défilent et on commence à arriver sur le plateau tibétain. Les visages, la bouffe, les paysages changent et une nouvelle langue apparaît. Parfois les routes sont pleines de camions fous qui passent à 50cm des pédales en klaxonnant comme des furieux. Elles sont aussi bien fournies en cyclistes chinois filant vers Lhassa. Un groupe de ces derniers nous ont même offerts un coin de chambre. C’est ainsi qu’on joue au tétris humain dans 20m2 avec 5 vélos et 3 chinois.
Arrivée à Shangri-la. Petite ville très connue mais pommée au fin fond des montagnes qui a tout de même droit à son aéroport ... On tente de proposer nos services contre un logement ou un repas aux restaurants et hôtels de la ville. Pas forcément une réussite jusqu'au moment où, spontanément, un tibétain nous offre la totale ! Le lit, le dîner, le chauffage, ses histoires et son sourire ! Le gars s’appelle Wan ma et tient un restaurant 4 étoiles. Il ne parle pas un mot d’anglais mais maîtrise parfaitement ce langage des signes universel. Son père, son passage dans l’armée, ses enfants, sa vie, il nous fait la totale. Certainement une des plus belles rencontres en Chine.
La suite se fait plus compliquée. La carte fait apparaître des montagnes de plus en plus hautes et plus ça monte plus pleut et plus il fait froid. C’est comme ça qu’on se rend compte que notre équipement est vraiment très léger ... Le pire dans tout ça, c’est pour Arthur : il a la chiasse le pauvre ; ceci dit ça lui donne des occasions de pratiquer son activité favorite : montrer son postérieur aux chinoises en haut d’un ravin ; joyeux anniversaire Arthur !
On entame sur la route la plus pourrie depuis le début du voyage mais certainement une des plus belles. Chaque passage de col est une nouvelle victoire qui s’accompagne d’un nouveau spectacle. Chaque nouvelle vallée est une nouvelle culture où tout change, parfois radicalement. Une seule chose reste commune : ces abrutis de yaks qui campent au milieu de la route. Sur la route ces grosses vaches côtoient autant de camions tarés que de 4x4 Porsche Cayenne, alors elles se foutent bien des cyclistes venus d’un autre continent.
Le 28 juillet à la fin de la route pourrie et d’une série de cols a plus de 4000m on arrive enfin dans une vallée qui annonce vraiment la couleur du Tibet. Il pousse de partout des stupas et temples bouddhistes autour desquels les tibétains font tourner des moulins à prières. Se baladent de plus en plus de moines en cartons qui crouillent le long de la route sur leurs Ipad. Certains sont envoyés au monastère dés le plus jeune âge et il semblerait que tout ça soit plus un système politique qu’une vraie institution religieuse. Les visages bronzés aux traits tirés sont marqués par un mode de vie plus rude. En hiver, la température peut descendre jusqu'à moins 40, mais les gars sont bien équipés en fourrure de yak. Ils se réchauffent avec une recette de thé tibétain un peu particulière : thé avec une motte de beurre et du sucre ; je crois que même un breton n’y toucherait pas...
C’est une région vraiment à part. La première idée qui me soit venue en traversant les vallées et l’est du plateau tibétain : « c’est le far west ! ». Les gars se trimbalent sur ces grosses motos chinoises trafiquées et décorées avec des peaux d’animaux, cheveux au vent ou chapeaux de cow boy et musique à fond ; grosse sono sur la route, clairement on adore l’ambiance du grand canyon tibétain !
On adore l’ambiance et les gens, sauf quand ils sont fourbes. Ce fut une journée de merde où ils nous ont envoyé faire un détour de 80km sur la mauvaise route, puis nous arnaquent une somme astronomique pour une nuit dans la cuisine et du riz au beurre... Mais ça n’était qu’une journée. Le lendemain nous avions ce que nous méritions : du soleil, une route parfaite et le passage d’un col à 4700m pour nous offrir le spectacle incroyable du plateau tibétain et la montagne Haizishan. Les restes du plus vieux glacier du monde. Malheureusement les chinois ont détruit ce qu’il restait du glacier. Depuis notre entrée en Chine, la nature est détruite par des barrages, des usines, des autoroutes et si les villes sont nickel les campagnes sont de vastes déchetteries.
Arrivée début aout dans la dernière ville étape des montagnes à Litang après une journée record de 120km. Et c’est encore plus le far west, les mecs quittent leurs motos pour des chevaux et portent à merveille leur attirail de cow boy tibétains : chapeaux à plumes et bottes en cuirs rembourrée. On a hésité à changer notre garde robe !
On y retrouve également un couple de cyclistes slovaque qui voyagent autour du monde depuis 2 ans. Le temps de prendre quelques bons conseils pour la suite et de faire une grosse pause pour remonter ensuite remonter sur nos selles vers Chengdu. Nouvelle prise de conscience : les visas sont trop courts. Dans cette situation on adopte la technique du pouce et on espère. Un camion et un bus plus tard nous voilà dans un coin « civilisé » à Chengdu.
Par ce que ça fait aussi partie du voyage on va prendre le train, juste pour le principe ! Ça nous évitera aussi de traverser le désert, un camp d’entrainement militaire et accessoirement avancer de 2000km (ce pays est décidément trop grand).